Trois mois après l’entrée en fonction du nouveau pouvoir, l’opinion publique semble sensible au style politique du Président, fait d’activisme et d’omniprésence médiatiques. L’état de grâce qui semble en découler permet au gouvernement de mettre en œuvre la politique libérale et néo-conservatrice qui avait été annoncée.

Loi TEPA : 13 milliards de cadeaux fiscaux

De 13 à 17 milliards de manque à gagner pour l’Etat, dont le déficit est estimé par ailleurs à 43 milliards ! L’exonération des droits de succession ou le bouclier fiscal (limitant l’imposition d’un contribuable à 50% de ses revenus -39% de fait, par l’inclusion des impôts locaux, de la CSG et de la CRDS-), sont-elles autres choses que des cadeaux aux plus fortunés ? La défiscalisation/détaxation des heures supplémentaires et la possibilité de déduire de ses impôts une partie des taux d’intérêt de prêts immobiliers ne sont pas de nature à dissimuler la nature politique de la loi..

Un contexte économique qui se dégrade

Nombreux sont les économistes qui doutent de l’efficacité économique de ces mesures. Elles ne répondent que très partiellement aux attentes sur le pouvoir d’achat, problème premier pour la majorité de nos concitoyens. En outre, la croissance française donne des signes de faiblesse, la production industrielle régresse et le commerce extérieur se détériore. La crise financière aux USA aura des répercussions sur l’économie mondiale.

Ainsi, le déficit public devrait encore se creuser et faciliter l’accentuation de la politique de réduction des dépenses publiques.

Austérité pour l’Etat et ses agents

Les 22 700 suppressions d’emplois de fonctionnaires annoncées ne permettront qu’une économie de 500 millions d’euros en 2008. Elles préfigurent donc des réductions d’effectifs plus massives encore (Darcos annonce 75 000 suppressions de postes dans notre ministère sur la mandature, à la suite des 27 700 suppressions effectuées depuis 2002). Ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant en retraite implique d’accroître la charge de travail des agents en exercice, de gommer les règles statutaires et d’affaiblir les cadres collectifs.

Le gouvernement annonce ainsi une réforme de la Fonction Publique d’une ampleur comparable à celle de 1983, voire à l’acte fondateur de 1946 : rapprochement des statuts, individualisation des carrières, salaire trinôme, fonction publique d’emploi plutôt que de carrière, transposition à la Fonction Publique d’Etat des principes qui fondent la Fonction Publique Territoriale, création « d’un grand marché de l’emploi public »…

Désengagement de l’Etat, rupture des solidarités

Mais l’intensification du travail des agents et les gains de productivité ne sont plus des gisements d’économies suffisants. Une telle politique implique maintenant que l’Etat réduise l’étendue de son action. Ainsi, l’Education Nationale, conformément aux pistes ouvertes par les audits du Ministère des Finances, va être amenée à réduire l’offre de formation et les horaires-élèves, à externaliser certaines de ses missions (examens, orientation, accompagnement scolaire, enseignements hors socle commun…). Les déclarations du Président, du Ministre, ne laissent aucun doute sur les objectifs poursuivis.

L’Etat social et redistributeur, l’Etat garant des solidarités et de la cohésion sociale, s’efface au profit de l’action privée et/ou individuelle. Le coût des dépenses sociales est reporté (franchises médicales, retraites, frais d’inscription à l’Université…)


Le contexte politique ne semble pas favorable à l’émergence, rapide et forte, de la contestation sociale que ce remodelage de la société française appelle. Et ce d’autant qu’aucun projet alternatif progressiste ne semble être suffisamment abouti ou crédible pour fédérer. Pour autant, nous devons avoir conscience qu’il existe des points d’appui qui ne doivent pas être négligés.


Pouvoir d’achat, services publics : au cœur des préoccupations

La baisse incessante du pouvoir d’achat pose problème à des pans de plus en plus larges de la société française (logement, transports, santé, produits de première nécessité…). Le gouvernement ne semble pas en mesure de répondre de façon convaincante aux attentes, bien au contraire (TVA sociale, franchises…). C’est un sujet qui pourrait permettre de rassembler les salariés sur des revendications convergentes.
Les français sont par ailleurs attachés à leurs services publics, au premier plan desquels l’Ecole ou la Santé, et ils expriment clairement dans les sondages de l’été leur désaccord avec la suppression de postes de fonctionnaires. Cela doit nous amener à aller à la rencontre des usagers et à participer aux campagnes de défense des services publics.

Protection sociale, retraites, emploi : des inquiétudes partagées

Les projets en préparation sur la protection sociale et sur les retraites, sur le code du travail, annoncés pour 2008, ne vont pas manquer de faire réagir actifs et retraités. Ils seront certainement attentifs aux analyses, aux propositions et aux initiatives, qui seront portées par le mouvement syndical, qui garde auprès des salariés un capital notable de sympathie et de confiance, et ce malgré la division syndicale et la désyndicalisation.


Les questions relatives à l’Ecole et aux services publics sont donc au cœur du choix de société. Cela donne une responsabilité toute particulière au syndicalisme que nous pratiquons au sein du SNES et de la FSU.

Aussi, nous devons mettre à profit les semaines qui nous séparent des échéances sociales annoncées pour renforcer notre outil syndical, quantitativement (développer la syndicalisation, mettre en œuvre effectivement l’élargissement de la FSU aux trois fonctions publiques et préparer les élections professionnelles de 2008 : éducation nationale, territoriale, prud’homales) et qualitativement (faire partager les analyses et les propositions que nous avons élaborées à l’occasion du congrès du SNES et de celui de la FSU par la profession, par les salariés, par l’opinion), travailler à l’unité syndicale dans l’Education Nationale, dans la Fonction Publique et au niveau interprofessionnel (à l’image des initiatives proposées par la FSU 13 aux autres UD), s’adresser à l’opinion publique pour contrer l’emprise idéologique libérale et contribuer à l’émergence d’un projet alternatif d’école et de société, projet qui soit accessible, fédérateur et mobilisateur.

La situation implique en effet que le syndicat mène la bataille des idées.
Au fond, Sarkozy avance très rapidement en mettant en œuvre sur le terrain éducatif la stratégie européenne définie à Lisbonne par tous les gouvernements. Il s’agit, sous couvert de « société de la connaissance », d’opérer un choix politique majeur : celui de réserver à une minorité de jeunes et de salariés les qualifications et les connaissances, et de tenter de faire coïncider l’emploi avec ce choix, c’est-à-dire de laisser perdurer des millions d’emplois sous-qualifiés et sous payés. A cette conception rétrograde, le SNES oppose l’école et la société de l’avenir. Former tous les jeunes est non seulement une nécessité démocratique, c’est aussi une obligation sociale et économique. Il faut transformer l’école mais aussi les emplois et donc investir dans la formation et la recherche : c’est la bataille de l’accès aux qualifications mais aussi aux connaissances pour tous et de la nature des emplois, de la qualité du travail qui doit être conduite. Le syndicalisme a du retard, mais il n’est pas trop tard.

Pour ce faire, le SNES et la FSU devraient d’une part devenir un laboratoire d’idées, en débattant en permanence avec la profession, en confrontant leurs analyses à celles de leurs partenaires, et d’autre part faire la démonstration quotidienne qu’une autre politique est possible, en utilisant différemment l’argent public par exemple.

Pour cela le SNES doit s’efforcer d’être très concret et démontrer toujours chiffres à l’appui et dossier argumenté la réalité des choses que Sarkozy et tant d’autres veulent faire oublier.