Inspecteurs et chefs d’établissement se sont lancés dans le benchmarking avec l’aveuglement des convertis. Cette technique de marketing est aujourd’hui un pilier du management des institutions publiques. Il s’agit pour les gestionnaires de reprendre la main sur les professions qui ont façonné et structuré l’Etat social (enseignants, chercheurs, médecins, magistrats…) en
sélectionnant un nombre restreint d’indicateurs de performance censés rendre compte de l’efficacité d’une activité. Il s’agit ensuite pour les managers d’identifier une organisation modèle, afin d’en diffuser ce qu’ils pensent être des “bonnes pratiques”.

Il se trouvera certainement dans chaque établissement des professionnels
bien informés pour faire trois remarques à nos thuriféraires du Nouveau Management Public.

En répandant les bonnes pratiques (groupes de compétences, transversalité, folie évaluatrice…), les gestionnaires cherchent souvent à imposer aux professionnels des façons de faire leur travail que ceux-ci contestent.
Résistance, corporatisme, conservatisme… diront les libéraux, et avec eux,
nos nouveaux convertis ! Or, c’est bien souvent à juste titre que les normes professionnelles et les méthodes de travail des agents diffèrent celles que les gestionnaires tentent d’imposer. Ce qu’illustrent les différends autour de l’accompagnement personnalisé, de l’enseignement technologique transversal, du livret de compétences.

En outre, les ressorts qui ont permis d’aboutir ici à un bon résultat alors que l’activité rencontre là des déboires, restent généralement inaccessibles à l’observateur extérieur. Ce n’est que par une longue analyse collective des pratiques, une dispute professionnelle approfondie et un échange entre pairs sur les façons de faire, que peut être mise à nue la complexité des situations et s’élaborer un nouveau consensus professionnel plus adapté. Mais cela nécessiterait de donner aux personnels un temps de concertation, d’analyse
des pratiques et de formation continue que notre employeur nous refuse obstinément.

Enfin, dans un service public comme le nôtre, travaillant avec de l’humain, le choix d’un petit nombre d’indicateurs de l’efficacité de l’action publique n’est pas chose aisée. La tentation est alors grande d’instrumentaliser les résultats scolaires. Au risque de focaliser l’activité sur certains types d’exercices qu’on sait pris en compte dans les évaluations, au détriment d’activités plus formatrices pour les élèves (Teach to test) ; voire même de fausser les résultats pour atteindre les valeurs cibles fixées a priori et simuler ainsi la performance.

L’application des indicateurs de performance à la police nationale devrait inciter nos managers à plus de prudence, car on sait que les dépôts de plainte sont découragés et l’activité orientée vers les petits délits les plus simples à résoudre au détriment d’affaires socialement plus graves.