L’introduction de l’AP et des EPI dans Collège2016 confirme l’orientation de transversalité et de pluridisciplinarité entamée par la réforme Chatel du lycée en 2010 introduisant 2 heures hebdomadaires d’Accompagnement personnalisé par élève au détriment des enseignements disciplinaires. Alors qu’aucun bilan sérieux n’a été proposé par l’institution, l’équipe du Snes Duby a consulté l’ensemble des collègues à ce sujet, saisissant l’occasion d’un changement de Direction et de la volonté de cette dernière de remettre à plat le dispositif existant.
Un questionnaire de 10 questions et plus de 60% de participation, c’est dire que la question de l’AP intéresse bien les collègues si l’on s’en saisit. Participation d’autant plus remarquable que les équipes d’EPS, des disciplines technologiques ou de BTS sont naturellement peu concernées par le dispositif… et qu’une part importante des collègues n’a pas d’AP dans son service.
Après 5 ans d’expérimentation, le sentiment d’un grand gâchis gagne bien la profession, renforcé ici puisque l’ancienne Direction avait investi la question de l’AP au maximum avant de réduire progressivement la voilure. L’enjeu était à l’en croire d’en arriver à un « lycée campus » à l’américaine dans lequel l’offre parascolaire, l’ouverture culturelle et la logique de projet allaient se combiner harmonieusement au libre choix de l’élève des « ateliers » en suscitant sa curiosité naturelle. Ces dispositions auraient permis de valoriser certaines aptitudes extrascolaires des élèves… Cette politique d’établissement s’insérait dans le cadre de l’APT (Accompagnement personnalisé transversal).
Absentéisme et creusement des inégalités entre élèves
Les « ateliers » proposés durant ces 5 années par les professeurs volontaires ont été des plus variés, allant de projets ambitieux (Réalisation de sessions ONU en anglais par exemple) pour les élèves les plus doués, souvent issus des sections internationales du lycée à d’autres plus « modestes » comme la « chorale Disney » ou « Bollywood » ou encore la construction d’éoliennes en carton, la préparation d’un échange... Quant aux ateliers de soutien, de méthodologie, ils étaient largement désertés où n’accueillaient que des élèves n’ayant pas obtenu l’APT de leur choix. Cette année, un atelier « permanence » a même vu le jour… Le taux d’absentéisme et de contournement était donc particulièrement élevé dès les premières semaines de l’année, dépassant souvent les 50% au 2° trimestre. A l’évidence seuls les élèves les plus disposés tiraient parti du dispositif, tandis que la masse expérimentait un emploi du temps amputé d’une partie des enseignements fondamentaux.
On peut estimer que les heures dévolues à l’APT représentent environ 2% de la DGH, l’ensemble de l’AP atteignant les 5%, prises, faut-il le rappeler sur les enseignements disciplinaires et les éventuels dédoublements. Circonstance aggravante, l’APT était placé en barrette le jeudi soir de 16 heures à 17 heures pour des classes n’ayant pas cours l’heure suivante. L’APT était donc conçu tel un sas avant la sortie, non évalué et sans que des listes d’appel ne soient fournies aux professeurs !
Fin de journée, fin de semaine, pour un faux enseignement, non évalué dispensé par des professeurs que l’on ne connaît pas et qui ne peuvent faire l’appel. Décidément tout était fait pour favoriser l’élève déjà responsable et autonome, capable de consommer de l’apport culturel à l’instar de leurs camarades pour le Mac Do.
Ce que souhaitent les professeurs
Le questionnaire distribué à l’ensemble des collègues poursuit deux objectifs : Renseigner sur l’organisation pratique de l’AP au lycée d’une part et, pour ce qui nous intéresse ici, sonder les collègues sur le contenu pédagogique.
Il en ressort qu’une très large majorité (entre les 2/3 et les ¾ selon les niveaux) souhaite confier à l’AP un contenu exclusivement disciplinaire, de la méthodologie au soutien, de l’approfondissement à l’interrogation orale.
70% des collègues estiment qu’il faut, en Seconde, proposer de l’AP de soutien, de méthodologie, d’approfondissement prioritairement en Mathématiques et Français. A noter que les dédoublements prévus dans ces deux disciplines existaient jusqu’à l’introduction de l’AP ! Ainsi donc, les professionnels du terrain constatent qu’après 5 ans d’expérimentation, alors même que les habitudes et les pratiques pédagogiques ont changé, que le renouvellement des personnels a été important, les anciens dispositifs sont reconnus comme plus efficaces.
Près de 80 % d’entre eux vont dans le même sens pour les Premières. L’accent est mis sur les disciplines dominantes de la série de l’élève et sur le Français en vue de l’EAF.
Si l’on interroge les collègues sur l’effectif souhaitable en AP, on arrive à une moyenne de 16-18 soit une demi-division. Jusqu’à présent les effectifs accueillis variaient considérablement d’une demi-douzaine à près de 70 pour les arts plastiques (en plein air) ou les AP cinéma. Les collègues souhaitent pour une grande majorité harmoniser les effectifs accueillis et mettre un terme à cett disparité.
Tout n’est pas à jeter mais…
Il serait toutefois erroné de penser que certains aspects de l’AP ne soient pas retenus :
Premièrement, les collègues plébiscitent l’AP tel qu’il est mené au niveau Terminale. En effet, les professeurs des disciplines majeures en fonction de la série, ont leurs propres élèves en tiers de classe une heure par semaine et en profitent pour faire ce qu’ils ne peuvent effectuer en classe entière. Un tel confort d’enseignement l’année du bac dans les disciplines à fort coefficient se révèle optimal.
En seconde, l’AP classe (APC), à raison d’une heure hebdomadaire, dispensé par le Professeur principal en demi-classe remplace avantageusement l’heure de vie de classe pour évoquer l’orientation, mettre en place le travail personnel des élèves, préparer les conseils de classe, etc.
En d’autres termes, les aspects de l’AP plébiscités par les collègues sont ceux qui ont permis de maintenir sous une nouvelle appellation ce qui existait déjà. Et pour le reste de l’AP, ils souhaitent remettre en place, ce qui existait jusqu’alors (dédoublements disciplinaires et dispositifs de soutien)
Ainsi, la tentative d’introduction d’un lycée à la carte et de libéralisation de l’offre éducative interne s’est-elle fracassée contre la réalité. Même dans un établissement où la population est issue majoritairement de CSP favorisées et renforcé par des sections internationales représentant près du quart de l’effectif total, où de nombreux professeurs ont joué le jeu de la transversalité, le constat est sans appel. Les programmes, trans ou pluri disciplinaires, de même que la « pédagogie du projet » ne favorisent que les mieux armés, tandis que la majorité ne sait/ ne peut en tirer parti. Quant aux professeurs, ils refusent pour l’immense majorité d’entre eux de voir leurs élèves, en manque de savoirs fondamentaux comme de méthode, perdre du temps dans des ateliers qui ne remplaceront jamais ce qu’un musée, une pièce de théâtre ou un club sportif font et feront toujours bien mieux que l’école.