Malaise ?

Le baccalauréat 2013 atteint un record de 86.8% de réussite (+2.4 pts sur un an). La progression est même de 7.2 pts dans les séries industrielles où ce taux est de 92.2%. Quand d’aucuns se gargarisent de résultats qui démontrent la bonne santé, l’efficacité, la performance du système éducatif, d’autres s’empressent de dénoncer le « vrai » coût d’un baccalauréat qui n’aurait plus lieu d’être. Loin du vacarme médiatique, les professeurs, eux, s’interrogent.

Dévoués et bienveillants, tous nos efforts sont tendus vers ce but estimable : l’obtention par chacun de nos élèves du premier grade universitaire. Nous nous félicitons des succès, avec une pointe de fierté de n’être pas étrangers à ces mille réussites. Lorsque 90 % des jeunes sont scolarisés lors de leur dix-huitième année, le baccalauréat est un objectif légitime pour tous. Et pourtant, un quart de chaque génération n’y accède pas.

Mais le malaise nous prend lorsqu’on entend certains se féliciter de l’effet de bons résultats sur l’image de marque de l’établissement, ou au contraire tancer les équipes si un établissement voisin nous devance de quelques décimales.
On s’interroge dans les salles des professeurs sur les effets pervers du contrôle en cours de formation : temps consacré à l’évaluation au détriment des apprentissages, charge de travail accrue pour les professeurs (parlez-en aux collègues de Langues !), pressions des élèves, des parents, de l’Institution, alors qu’on assume seul l’enseignement, le choix des sujets, des barèmes, la correction.

On évoque ces choix de ne pas inscrire au DNB un élève qui pourrait faire baisser les statistiques, à ces moyennes mirifiques qui caractérisent en collège la note de vie scolaire, l’épreuve d’histoire des Arts ou les TPE en lycée.
On repense à ces réunions d’harmonisation où les consignes et les barèmes laissent pantois. Nec plus ultra, les bienfaits du numérique ! Les professeurs de STI2D peuvent en parler, eux qui doivent saisir des croix dans des tableaux EXCEL que le logiciel transforme en note, sans qu’ils en connaissent le paramétrage. A l’autre bout du réseau, est-on en mesure de les modifier pour améliorer un tant soit peu l’image de la série ? On repense aux réunions d’harmonisation auxquelles tous les correcteurs ne sont pas convoqués, aux bordereaux de notes remplis au crayon mais signés à l’encre. A la confidentialité des travaux des jurys de moins en moins respectée.

Dans une course effrénée pour ne pas faire moins bien que le voisin, la bulle évaluatrice se nourrit d’elle-même. Elle n’épargne personne, ni les élèves, ni les personnels, ni les établissements.

Le système est malade de l’évaluation car l’évaluation du travail de l’élève est instrumentalisée pour évaluer la performance de l’Institution. Le SNES continuera à défendre le principe d’un baccalauréat examen national, terminal et anonyme, garant d’une formation de qualité et d’une évaluation sincère. En un mot, garant de l’intérêt général.


Laurent Tramoni