« Confinement et déconfinement, une seule priorité :
Faire face à l’urgence sanitaire et à l’urgence sociale »
Lundi 13 avril le président de la République a prononcé sa troisième allocution depuis le début du confinement général de la population. Argumentant des conséquences sociales de la situation pour les élèves et les familles des catégories populaires, il a annoncé une réouverture progressive des établissements scolaires à compter du 11 mai prochain. Pour ce qui nous concerne nous doutons fortement que les conditions requises soient réunies à cette date.
Il est impossible de ne pas rappeler dans ce contexte que la préparation par le gouvernement de l’épidémie a été gravement insuffisante et fautive. Si au moins nous partageons aujourd’hui le constat que le confinement a des effets sociaux catastrophiques pour les élèves les plus fragiles économiquement et leur famille, la situation impose la réponse préalable à deux questions prioritaires :
• Quels sont les moyens qui vont être immédiatement mis en œuvre par l’état et les collectivités pour faire face en attendant à l’urgence sociale qu’a entraîné le confinement pour un très grand nombre de familles et de jeunes ?
• Quelles sont les garanties données par les pouvoirs publics et les représentants de l’Etat que les conditions sanitaires impérativement requises pour lever, même progressivement, le confinement des établissements scolaires seront réunies à la mi-mai ?
Les annonces du président ne doivent pas masquer la nécessité de répondre immédiatement à l’urgence sociale dans laquelle sont plongées les familles qui subissent de plein fouet la paralysie des services publics et le blocage d’un certain nombre de processus leur permettant d’assurer leur survie quotidienne. A cet égard, ni l’Etat, ni ses institutions, ni les collectivités locales ne peuvent se dédouaner de leurs responsabilités. Des mesures d’urgence propres à atténuer les effets de cette crise sur les familles et les jeunes les plus touchés doivent être prises sans délais dans notre académie :
- Cellule de veille sociale
Il existe une cellule de veille académique chargée du suivi de la continuité pédagogique. Il importe de toute urgence qu’une cellule académique chargée du volet social de la crise - étayée par des cellules départementales auprès des DSDEN - soit mise sur pied. Elle veillerait à ce que les besoins soient correctement identifiés au niveau des établissements et des circonscriptions du 1er degré, qu’ils émanent de familles ou de jeunes isolés, majeurs ou non. Elle travaillerait à l’élaboration d’une feuille de route précise à destination des chefs d’établissement, des IEN et des agents du service social en matière d’aide d’urgence. Une démarche de sollicitation active des familles doit être privilégiée pour ne pas perdre celles qui sont le plus éloignées des canaux institutionnels.
- Aide alimentaire
Les collectivités territoriales doivent également contribuer par tous les moyens possibles à la mise en place d’une aide alimentaire pour les familles subissant de plein fouet la rupture de continuité de la restauration scolaire.
- Urgence économique
Des moyens budgétaires d’urgence doivent de toute urgence être débloqués pour pourvoir à l’aide financière des familles et des jeunes concernés, incluant des modalités d’accès à la gratuité des moyens de connexion. Dans le second degré au moins, ceux-ci sont aisément mobilisables sur les ressources propres des établissements actuellement confrontés à une réduction considérable de fait de leur dépense de viabilisation. En tout état de cause l’Etat doit abonder les fonds sociaux en tenant compte des implications économiques et sociales de cette crise pour de très nombreuses familles et de très nombreux jeunes, par une dotation d’urgence dans l’immédiat, et par une réévaluation pour la rentrée prochaine.
- Accès aux aides sans discrimination
L’accès aux aides doit être garanti à toutes les familles et tous les jeunes dont la situation objective le nécessite, quelle que soit par ailleurs leur situation administrative à l’égard du code de séjour des étrangers et demandeurs d’asile. Cela suppose également qu’elles/ils se voient accorder le droit de circuler sans danger d’être inquiété.es par les services de police, pour accéder à ces ressources, dans les limites prévues actuellement par les règles du confinement.
Le président de la république a invoqué les inégalités scolaires pour justifier une reprise précoce de l’école. C’est oublier que la politique éducative de son gouvernement les a faites exploser. L’urgence sociale implique des mesures d’aide immédiates. De même l’urgence scolaire implique la mise en œuvre de moyens humains et budgétaires exceptionnels pour la rentrée prochaine et les suivantes. Moyens dont le gouvernement ne dit rien alors qu’ils sont seuls à même de réduire les fractures aggravées par la crise sanitaire. Elle implique également un changement de cap radical de la politique d’éducation.
Quoi qu’il en soit, la réouverture des établissements scolaires, même progressive ou partielle, ne pourra se faire sans que toutes les garanties sanitaires soient données aux agents et aux usagers et après consultation des représentants des personnels.
Pour mémoire, réuni le 3 avril, le CHSCT ministériel de l’Education Nationale a adopté un avis exigeant le dépistage généralisé des élèves et du personnel en préalable à toute reprise des cours. Rien dans les annonces du président Macron, ni dans les déclarations de son ministre de l’éducation ne va pourtant dans ce sens. L’assouplissement du confinement ne peut être envisagé sans que toute la population soit pourvue régulièrement de masques chirurgicaux et sans mise en œuvre d’un dépistage systématique, et pas seulement des malades diagnostiqués.
Le gouvernement et les pouvoirs publics doivent répondre à ces priorités, en prenant tous les moyens, en mobilisant au service de la nation toutes les ressources utiles de l’Etat, ainsi que celles des entreprises, y compris par réquisition. De ce point de vue, notre communiqué s’inscrit pleinement dans la continuité de l’appel pétitionnaire « Plus jamais ça ! Préparons ensemble le jour d’après » initié par dix-huit organisations syndicales et associatives à travers leurs représentant.es au plan national et signé massivement dans le pays.
Sur l’ensemble de ces sujets, nous attendons de l’autorité académique qu’elle prenne rapidement position et qu’elle engage les concertations nécessaires avec l’autorité préfectorale et les collectivités territoriales pour favoriser au plus vite leur mise en œuvre.