16 octobre 2018

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Professeur principal : « avec l’accord de l’intéressé » !

La situation devient critique

Depuis quelques années, il devient difficile dans certains établissements, de trouver des professeurs principaux volontaires en nombre suffisant alors même que cette mission est considérée comme fondamentale à la fois par l’administration et par les enseignants.
La charge de travail est exponentielle, les responsabilités écrasantes, et la rémunération mesquine est restée coincée aux années 1990.
L’an passé plusieurs établissements ont lancé des mots d’ordre de démission, faisant vivement réagir les rectorats. Face au refus du ministre d’entendre la contestation sur la réforme du lycée et du bac, ainsi que de l’orientation scolaire, le SNES-FSU a donné le mot d’ordre de refus collectif des missions de professeur principal. C’est une action très coûteuse, équivalente à 10 jours de grève, mais qui frappe le système en un point crucial.

Les dégâts collatéraux de la réforme

Mais il semble qu’il ne soit même pas besoin de mot d’ordre pour tarir le vivier de professeurs principaux : la réforme le fait d’elle-même. Outre l’inquiétude face à la charge de travail et aux nouveautés, elle crée une pénurie structurelle. En effet, dans les lycées qui ont joué la carte de « l’esprit de la réforme », en classe de Première seuls les professeurs d’histoire-géographie, de français, et d’enseignement scientifique voient réellement l’ensemble des élèves d’une classe sur un horaire suffisant. Les professeurs d’EPS, de LV n’ont souvent qu’une partie des élèves. Les professeurs de SVT et de physique chimie ne les voient qu’une heure par semaine. Quant aux professeurs des enseignements de spécialités, ils ont des élèves issus de groupes de tronc commun multiples.
Pour eux, il faut compter avec 5, 6 ou plus de PP s’ils veulent assurer le suivi de leurs élèves. Et autant de conseils de classe. Pour les PP, il faut faire avec des équipes pléthoriques, parfois plus nombreuses que les élèves eux-mêmes.
Et ce n’est rien : l’an prochain il faudra en trouver deux pour les élèves de terminale !

Savoir se défendre

Dans ce contexte les équipes de direction se retrouvent parfois en difficulté et n’hésitent pas à relancer avec insistance les collègues qui ne sont pas candidats. C’est pourquoi un bref rappel est nécessaire.
Le Code de l’éducation stipule en effet que les élèves doivent avoir un professeur principal. C’est la loi. Mais les textes qui régissent la fonction de professeur principal et notamment la circulaire de 2018 précise que la mission est confiée « avec l’accord de l’intéressé. » Un enseignant qui refuse d’assurer la mission de professeur principal est dans son droit.
En cas de refus de la part d’un enseignant, la hiérarchie doit donc d’abord chercher activement d’autres volontaires dans l’équipe. S’il n’en existe pas la situation devient critique. Si l’administration décide d’ordonner à un collègue de le faire contre sa volonté, elle s’expose à voir des enseignants assurer cette délicate mission a minima, sans aucun zèle, sans esprit d’initiative, au détriment des élèves et des familles qui n’ont pourtant rien demandé.
On le voit, il est urgent d’écouter la profession quand elle dit que ces réformes dégradent la qualité du service public et empêchent d’assurer le bon suivi des élèves. Il est urgent de revaloriser les salaires pour reconnaître le travail accompli, et parmi les mesures d’urgence, de doubler le montant de l’ISOE.

Caroline Chevé


Professeur Principal : évolution des missions
Clarifier oui, charger la barque non !


La nouvelle circulaire sur les missions du professeur principal


Une nouvelle circulaire vient de paraître, abrogeant la précédente, qui redéfinit le rôle du professeur principal. L’ancienne circulaire datait de 1993 (n°93-087 du 21 janvier 1993) et nécessitait en effet une mise à jour : la réforme du collège 2016, la réforme du lycée et de l’accès à l’enseignement supérieur notamment sont passées par là et ont modifié les différentes étapes dans le parcours des élèves.
Le SNES-FSU a obtenu des modifications du texte soumis en juin aux organisations syndicales. Ainsi, la nouvelle version réintroduit les PsyEN dans le suivi des élèves et en lien avec le professeur principal dans la préparation des projets. Mais elle les évince de l’élaboration des interventions sur la découverte des métiers laissées aux soins des organismes mandatés par les régions. Cela réduit, de fait, l’orientation aux évaluations pédagogiques, l’objectif du MEN étant de placer les enseignants au centre des missions d’orientation ET d’affectation.

La circulaire 2018 reprend un certain nombre de missions qui étaient déjà présentes dans la version de 1993 : on retrouve les rôles de conseil, d’information et de coordination. Mais s’ajoutent désormais quelques « petites » nouveautés liées en partie aux évolutions du métier enseignant.
Ainsi, font leur apparition dans le texte de la circulaire des dispositifs d’évaluation et d’accompagnement des élèves qui n’existaient pas à l’époque de la précédente circulaire : le LSU en collège (« Une fois les différents bilans renseignés dans le livret scolaire, le professeur principal veille à la bonne appropriation de ces bilans par l’élève et ses représentants légaux.), « devoirs faits » (« Dans le cadre des dispositifs d’accompagnement des élèves, notamment « Devoirs faits », le professeur principal peut être amené à faciliter les liaisons entre les temps de travail dans l’établissement, dans la classe et hors la classe, notamment en assurant le suivi des élèves concernés. ») ou l’accompagnement des élèves dits à Besoin Éducatif Particulier (« Le professeur principal assure, pour sa classe, un suivi de cet accompagnement. Lorsque l’élève est concerné par des modalités spécifiques d’accompagnement tels que PAP, PAI, PPS, il participe à l’élaboration des projets dans le cadre des réunions des équipes éducatives. »)

En ce qui concerne l’orientation, on passe de termes tels que « faciliter l’élaboration de synthèses, concourir au développement du dialogue, contribuer à l’information et au choix de l’orientation » à la « responsabilité spécifique » du professeur principal dans l’orientation des élèves.
En classe de troisième, le professeur principal « conduit des entretiens personnalisés d’orientation en associant en tant que de besoin les psychologues de l’éducation nationale et les autres membres de l’équipe éducative. » Cette tâche, si elle existe parfois dans les faits, est nouvelle dans un texte réglementaire. Ces entretiens ne peuvent pas être de la responsabilité du professeur principal qui associerait, éventuellement, si besoin, des PsyEN qui ont pourtant les compétences pour mener des entretiens d’élucidation permettant à l’élève de construire son parcours.
« Au lycée, le rôle du professeur principal dans l’accompagnement au choix de l’orientation est renforcé. Le professeur principal contribue avec les psychologues de l’éducation nationale à donner aux élèves une information sur l’enseignement supérieur, notamment sur les attendus des formations et sur le monde professionnel, en lien avec les actions organisées par les régions. Il participe à des actions spécifiques annuelles, notamment les Semaines de l’orientation et les périodes d’observation en milieu professionnel ou les périodes d’immersion dans l’enseignement supérieur. »
Se trouve aussi défini le rôle des deux professeurs principaux nommés en classe de terminale.

La circulaire mentionne désormais l’« implication dans la vie de classe et de l’établissement »
Concernant les heures de vie de classe, que le PP « peut être conduit à organiser et animer », toujours rien sur leur rémunération…
La nouveauté porte surtout sur le conseil pédagogique faisant du professeur principal une sorte d’intermédiaire entre le chef d’établissement et les équipes. « Au moins un professeur principal de chaque niveau d’enseignement participe au conseil pédagogique, présidé par le chef d’établissement. Les professeurs principaux concourent à la préparation des réunions de cette instance en recueillant, avec les professeurs des champs disciplinaires, les besoins et les projets des équipes pédagogiques. »

Enfin, le texte présente une partie formation : S’il apparaît en effet nécessaire au bon fonctionnement du service public d’éducation que les PP soient mieux informés des procédures, des possibilités d’orientation, des différentes offres de formation sur le territoire, pour le SNES-FSU, les crédits du Plan de Formation devraient être fortement augmentés afin que ces formations ne se fassent pas au détriment d’autres. De plus, cela ne doit pas conduire à déposséder les PsyEN du cœur de leur métier.

La circulaire 2018 présente des tâches qui correspondent bien souvent à ce que font déjà les professeurs principaux. Le SNES-FSU a dénoncé ces dernières années l’accroissement de leur charge de travail et la multiplication des injonctions. Une clarification des tâches réalisées était sans doute nécessaire. Mais au vu de ce qui est demandé aux professeurs principaux, la revendication du SNES-FSU de doubler l’ISOE pour prendre en compte la totalité de la charge de travail est d’autant plus d’actualité.
Il sera indispensable de veiller à ce que ce texte ne soit pas instrumentalisé par le management pour créer une nouvelle hiérarchie intermédiaire qui reposerait sur une vision du professeur principal en « super-prof », censé assurer la coordination pédagogique entre les différents enseignements, appelé à se substituer au chef d’établissement pour organiser certaines actions. Pour le SNES-FSU, le suivi des élèves et la préparation de leur orientation doivent rester l’affaire de l’ensemble de l’équipe éducative. Le professeur principal en est le coordonnateur mais il ne doit se substituer ni au Psy-ÉN ni au CPE et ne doit pas assurer de mission revenant au chef d’établissement.

Séverine Vernet - Secrétaire académique adjointe