Quelle civilisation méprise ses anciens ? Aucune. Pour l’instant.

•Dans quel pays de l’OCDE le pouvoir exécutif assumerait qu’un salarié doit travailler jusqu’à la fin de ses jours ? Aucun, pour l’instant !

•Dans le capitalisme financiarisé et mondialisé, quelle classe dominante est prête à reconnaître que la retraite d’un salarié est une rémunération continuée du travail, un salaire différé, et à en tirer les conséquences en matière de financement des pensions ? Aucune.

Pourtant, si être retraité signifie avoir cessé une activité professionnelle, la notion recoupe une dimension biologique : l’âge auquel on part en retraite, est un problème culturel et par là même idéologique, car le « vieux » est d’emblée mis à l’écart de la société.

Pour ne pas s’en prendre à la notion même de retraite, parce que la majorité de l’opinion ne comprendrait pas, il faut donc, orienter le discours sur les retraités, leurs prétendus privilèges, leurs croisières, leur patrimoine.

On feint d’oublier que 10% des retraités vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Par la stigmatisation de leurs dépenses réelles ou supposées, on semble ignorer que les différences de revenus et de modes de vie des retraités sont le décalque à peu de choses près de ceux des actifs et que les inégalités à la retraite reprennent en les amplifiant, notamment pour les femmes, celles qui existent dans la population active.

Les gouvernements n’ont eu de cesse de reculer l’âge de la retraite et de diminuer le montant des pensions.

Le Conseil d’Orientation des Retraites met en évidence la baisse continue du pouvoir d’achat des retraité.es et souligne qu’en cas de reprise des salaires des actifs, l’écart de revenus actifs/retraités ne cessera d’augmenter. C’est essentiellement dû à la désindexation des pensions sur les salaires. De son côté, Emmanuel Macron considère qu’au-delà d’une pension de 1.200 euros, on est riche.

Ces reculs successifs sont motivés par l’argument selon lequel la durée de la vie s’allongeant, le coût du financement des retraites s’alourdit. Au nom de l’allongement de la durée de vie, certains proposent une société sans âge limite : tant qu’on a la santé, on peut travailler ! Et d’autres opposent les jeunes aux vieux et inventent la lutte des âges.

Comment faut-il comprendre ces propos ?

L’idée est qu’une génération, celle du « baby-boom » a tout pris et en a profité. Comme si ces générations d’après-guerre n’avaient pas relevé le pays, travaillé durement, n’avaient pas eu à lutter pour mettre en place la sécurité sociale, traduire en actes les mécanismes de solidarité dont tout le monde se félicite en période de crise. Sont gommées les luttes menées par des générations pour mieux vivre, elles et les jeunes qui prendront la relève. On tente d’opposer les jeunes aux retraités. Pauvreté chez les jeunes, pauvreté chez les retraités. La question est d’abord une question sociale. Comme ceux qui nous dirigent ne veulent pas répondre à cette question, ils ont trouvé l’idée fausse de la lutte des âges.

Les retraités sont sommés de participer à une solidarité intergénérationnelle curieusement inversée, puisque dans un système par répartition, l’activité finance les pensions et pas l’inverse, et on les taxe ici par la CASA à 0,3 %, là par une hausse de 25 % du montant de la CSG. En même temps, on les réduit à leur condition biologique de personnes âgées, en niant au passage leur statut social de salariés en retraite.
Aucun ministère n’est dédié aux retraités,aucun membre du gouvernement n’a en charge la relation avec le quart de la population !

Mais l’État vante les mérites d’une « silver économie » avec un financement par les usagers et un chiffre d’affaires de plusieurs dizaines de milliards d’euros.

La loi sur l’adaptation de la société au vieillissement a totalement occulté la question des EHPAD, une niche financière pour les multinationales dans les établissements privés à but lucratif alors que le nombre de places dans le public est insuffisant. Elle néglige la question des conditions de formation, de travail et de rémunération des personnels. La grève du 30 janvier a pourtant souligné le scandale d’une telle
situation. Le gouvernement reste sourd au reste à charge exorbitant pour les pensionnaires et leurs familles et met en avant une mauvaise organisation du secteur, exaspérant un peu plus les personnels épuisés.

Le retraité, ce « nanti », doit se financer. Si la petite enfance relève, à juste titre, de la solidarité dans le cadre de la Sécurité sociale, on semble considérer que les retraités peuvent se financer notamment par la CASA (Contribution Additionnelle de Solidarité pour l’Autonomie, quand ils sont imposables) et qui, pour une part, est soigneusement détournée au profit des besoins de l’État.

Ce qui est derrière une telle attitude de la part de dirigeants d’un pays réputé être celui des Droits de l’Homme, c’est une pulsion atavique de gouvernants refusant de considérer la retraite comme un droit mais plutôt comme une aide sociale à la discrétion de l’Etat, et de substituer le terme « vieux » à celui de « retraité ». Cela se traduit aujourd’hui par le fait qu’un salarié sur dix sous pression de campagnes médiatiques qui visent à affoler la population, se constitue une retraite supplémentaire, et paie en quelque sorte deux fois pour un maintien convenable de son niveau de vie une fois à la retraite. Mais c’est aussi une nouvelle tendance au plan international qui est née et que l’on nomme l’âgisme et qui dévalue les personnes âgées. Inquiétude face à une société faite soi-disant pour les jeunes gagnants.

Bien que le COR mette en évidence que le pouvoir d’achat des pensions continue de baisser du fait de la faible revalorisation et de la hausse des prélèvements sociaux, il se trouvera de bonnes âmes pour rappeler qu’en 60 ans, l’espérance de vie a augmenté de 14 ans mais les mêmes s’abstiendront sans doute de rappeler que pour l’OXFAM, 82 % de l’accroissement de richesse en 2017 a profité à 1 % de la population mondiale. La redistribution a des marges de manœuvre ! Encore faut-il le vouloir politiquement et socialement.

Faut-il le rappeler :

Les retraités sont des citoyens à part entière. Ils ne sont ni nantis, ni assistés.
Il est urgent de garantir leur place dans la société. L’oublier ne serait pas de bon augure pour l’avenir de notre société.

Pour les femmes retraités, encore plus d’inégalités :cliquer ici

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