3 avril 2023

Notre académie, nos établissements

Innovez qu’ils disaient... mais sont-ils prêts pour un collège vraiment démocratisant ?

Innovez qu'ils disaient... mais sont-ils prêts pour un collège (...)

Notre cher ministre a le goût des innovations. Il a le goût aussi de généraliser des expérimentations à peine entamées qui n’ont pas été évaluées. Depuis la rentrée 2022, dans l’académie d’Amiens, on expérimente un truc qui va révolutionner le Collège, un truc si démentiel qu’il faut en faire profiter tous les autres. Qu’à cela ne tienne, ce sera chose faite à la rentrée 2023, dans tous les établissements, dans toutes les académies ! C’est à cela qu’on voit la force perfomatrice de l’innovation ! Il suffit de dire « innovez ! » pour que cela soit.

Voyons voir quel est ce nouveau bijou à sensations qui résoudra tous les problèmes du collège, et qui permettra à tous les élèves de réussir ! N’hésitons plus à le nommer : à la rentrée 2023, les élèves de 6ᵉ auront droit à une heure en plus en français ou en mathématiques en remédiation et approfondissement qui pourra être assurée par un professeur des écoles. Voilà c’est dit et le problème est résolu ! Performatrice, je disais. Nous ne savons d’ailleurs pas si l’expérience a réussi dans les collèges où elle a été tentée. L’année n’est pas finie. Cela n’a guère d’importance. L’innovation est le maître mot. L’innovation est à l’origine de tout. L’innovation, et en avant !

Cependant, voilà, est-ce si innovant que cela ? Serait-ce si profitable aux élèves ?

Des professeurs des écoles au Collège, il y en a déjà : SEGPA, Ulis… Cependant, là, il ne s’agit pas de dispositif particulier. On pourrait croire qu’on enlèverait alors un peu de notre expertise, de notre savoir faire. A l’heure où les DGHs sont chaque année plus fragiles, que les classes sont de plus en plus chargées, donnez à des enseignants du primaire des heures de français ou de mathématiques pour travailler en effectifs réduits, n’est-ce pas semer la discorde ?

Et comment seraient-elles financées ces heures ? A la rentrée prochaine, ce sont presque 1000 postes qui sont supprimés dans le premier degré. C’est là où il y a peut-être « innovation », le Pacte de notre cher président prévoit de nous revaloriser en échange de nouvelles missions. Voilà pour les missions des professeurs des écoles : venir faire de la remédiation au collège… Qu’y aurait-il d’étrange à cela après leur avoir proposé de faire de la garderie, l’étude le soir et pourquoi pas même de conduire des bus… ? L’« innovation pédagogique » serait-elle une façon de faire des économies ?

Pour être encore plus « innovant », il ne reste plus qu’à supprimer une discipline en 6e : avec la disparition de la technologie, c’est chose faite. Et PIX pourra « en toute innovation » instruire les collégiens sur le numérique… Vraiment, le collège du futur se dessine aujourd’hui !

Hélas, une autre chose est sûrement à comprendre. La primarisation du collège a commencé avec l’entrée de la classe de 6e dans le cycle 3. Avec l’annonce d’une demi-journée d’orientation en classe de 5e, la réforme du lycée professionnel et du lycée général, c’est toute une architecture qui se met en place que la venue des enseignants du 1er degré ne fait que renforcer. C’est le fatal BAC -3, BAC + 3 et l’explosion du collège unique. Un bloc primaire qui fourche au collège pour prévoir soit l’apprentissage, soit le lycée général et sa poursuite d’étude. Deux voies imperméables qui sont autant de tri social ! Pour le coup, ce serait une drôle d’innovation qui nous ramènerait presque 50 ans en arrière. Faîtes du neuf avec du vieux qu’ils pensaient !

Au SNES, nous considérons que le passage en 6e est une rupture et une transition. La place de cette classe dans le cycle 3 n’est pas pertinente. Le second degré de la 6e à la Terminale forme un tout. Plutôt que des mesurettes qui au mieux ne servent à rien au pire servent une autre objectif bien plus pernicieux et dommageable pour les professeurs et leurs élèves, nous demandons une réduction des effectifs par classe, des moyens pour travailler en dédoublement. Dans le 1er degré, les mêmes exigences sont portées par le SNUiPP.

A l’occasion du colloque national du 30 mars, le SNES-FSU a lancé un « appel pour un collège démocratisant » :

https://www.snes.edu/article/appel-...

Cela est peut-être un peu trop innovant pour notre ministre...