CA Académique SNES Aix-Marseille Vendredi 22 juin 2007
La période électorale qui s’achève a largement bouleversé le contexte politique dans lequel nous avons à conduire notre activité syndicale. Malgré une mandature marquée par des réformes douloureuses pour une grande part de la population française (retraites, protection sociale, pouvoir d’achat, sécurité et justice, éducation…) et des scrutins (élections régionales, européennes, référendum sur le TCE) sanctionnant la politique conduite par les gouvernements Raffarin et Villepin, malgré des mobilisations sociales récurrentes, puissantes et parfois victorieuses (décentralisation, CPE,…), la France vient de se doter d’un président et d’une majorité présidentielle portant clairement le programme d’une rupture néo-conservatrice.
Pourtant, dans un pays durablement marqué par le chômage et le sous-emploi, comportant une large part d’ouvriers et d’employés, attaché aux services publics, les questions sociales et l’aspiration au progrès sont toujours présentes ainsi qu’en témoignent la persistance et la force des mouvements revendicatifs.
La traduction politique du mouvement social, son expression ou sa représentation sur la scène politique est une question qui reste devant nous et à laquelle il faudra bien apporter des éléments de réponse qui aillent au-delà de la réaffirmation de principe de l’indépendance syndicale.
L’incapacité à analyser, à traduire et à porter les problématiques sociales doit interroger aussi le mouvement social quant à ses propres responsabilités.
L’efficacité du mouvement syndical se juge aussi à sa capacité à imposer des thématiques et des perspectives dans le débat public. Dans cette perspective, la FSU se doit de parvenir à initier des démarches unitaires et des recherches d’alliances dans le but d’élaborer des revendications communes et portées par les salariés, de permettre au mouvement social d’apporter une contribution significative à la construction d’un projet progressiste, de favoriser le retour du plus grand nombre à la réflexion et à l’action syndicales.
La stratégie de rassemblement des droites, de volontarisme et d’affirmation politiques, de rénovation du style et du discours qu’incarne le nouveau Président de la République a pu séduire, bien au-delà de l’électorat traditionnel de la droite.
Le brouillage politique qui s’en est suivi risque encore de faire sentir ses effets sur une opinion publique en mal de repères. 25 ans de crise, de chômage, de restructuration, de précarisation ont nourri un véritable décrochage des couches populaires dans l’espace social.
La figure du « travailleur » ou celle de l’ouvrier adossé et soutenu par sa classe, porteuse d’histoire et d’espoirs politiques ont peu à peu disparu. Il s’est construit une autre image : celle du « salarié de la précarité ». C’est sur le terreau du déclassement et de la désespérance sociale qu’ont fleuri et se sont diffusés les discours extrémistes et populistes qu’a su capter et recycler le nouveau président.
II-1 La bataille sur le décret Robien
Dans ce contexte globalement marqué par un rapport de force défavorable, il est essentiel d’apprécier à leur juste valeur les points d’appui dont nous pouvons disposer.
Le syndicalisme que nous pratiquons a mené cette année une bataille exemplaire sur la modification des Obligations Réglementaires de Service des enseignants de second degré. A l’initiative du SNES et du SNEP, l’unité syndicale a su proposer à la profession des formes de mobilisation variées et dynamiques au service d’objectifs de contestation (abrogation du décret Robien) et de propositions (ouverture de négociations sur la charge de travail et sur les métiers), qui ont su rassembler nos collègues dans l’action, quasi quotidiennement. Avec le souci permanent de faire le lien entre les conditions de travail des personnels et le service rendu aux usagers, notre mouvement a su se rendre populaire et imposer dans le débat public les questions d’éducation. Cela a contraint les principaux candidats à prendre leurs distances avec le Ministre. En pleine période d’état de grâce, l’abrogation totale du décret Robien et le rétablissement sous forme d’heures supplémentaires des moyens supprimés est une victoire syndicale notable.
II-2 Des projets et des mesures dangereuses pour le second degré et au delà, pour le système éducatif
Les projets du nouveau ministre de l’Education sur la typologie des métiers, sur la remise en cause des statuts, sont porteurs de lourdes menaces pour le système éducatif et les personnels, par la déréglementation, la disparition des cadres collectifs et la mise en concurrence des collègues, des établissements, par le rôle prépondérant qu’ils entendent donner aux chefs d’établissement.
Dans l’immédiat, alors que les établissements reçoivent les heures supplémentaires permettant de rétablir les moyens supprimés, le SNES réaffirme sa revendication d’un collectif budgétaire, du rétablissement des emplois supprimés, de l’amélioration des conditions de travail, de rattrapage du pouvoir d’achat. Dans chaque établissement, le SNES appelle à interpeller sans attendre les Chefs d’établissement, à réunir à nouveau les conseils d’enseignement et les conseils d’administration pour imposer des regroupements d’heures supplémentaires. Notre objectif doit être de réétudier les mesures de carte scolaire dont ont été victimes les collègues, de limiter les compléments de service, d’améliorer les affectations des TZR et des précaires. Le SNES intervient au niveau des IA et du Rectorat en ce sens.
La volonté réaffirmée par le gouvernement de supprimer la sectorisation, avec dans un premier temps assouplissement de la carte scolaire par doublement des dérogations, est un autre motif de vigilance. Dans chaque établissement, le rôle de la section syndicale est premier. Il s’agit d’interpeller le chef d’établissement pour imposer la transparence sur les dérogations (entrées ou sorties) concernant l’établissement, sur les effectifs des classes, sur les critères de sélection, sur l’évolution des moyens.
Le SNES veillera à préserver les principes de fonctionnement du service public, la recherche de mixité sociale, la juste répartition des moyens. Les établissements doivent être dotés en fonction des caractéristiques de la population scolarisable dans leur secteur et non en fonction des effectifs constatés. A terme, la suppression de la carte scolaire n’est pas de nature à répondre aux difficultés du système éducatif. Bien au contraire, une telle mesure, si elle peut permettre une plus grande mixité sociale des élites, ne réserve au plus grand nombre, sous couvert de sélection par le mérite scolaire, que ségrégation, ghettoïsation et tri social renforcés. Mise en concurrence des équipes et des établissements, accroissement de l’autonomie et de la déréglementation, éclatement du service public, sont les corollaires de la suppression de la carte scolaire.
Le SNES réaffirme son opposition à la mise en place du conseil pédagogique, légitimation du rôle pédagogique du chef d’établissement dans la définition de politiques pédagogiques d’établissement.
Là encore, le SNES devra mener le débat avec les collègues et les parents pour convaincre de la nocivité de ces mesures et construire le rapport de force permettant d’y faire échec. Plus généralement, le rôle de l’enseignement privé dans la concurrence scolaire doit être dénoncé.
Il devient urgent de rappeler le rôle essentiel du second degré dans la démocratisation des études et de l’accès aux qualifications. Cela suppose de maintenir une offre de formation diversifiée, de qualité, accessible sur tout le territoire. Le SNES sera particulièrement vigilant quant au devenir du second cycle, et en particulier des séries technologiques et de l’offre de formations supérieures dans les lycées qui ont fait leurs preuves en termes d’accès aux poursuites d’études et à l’emploi. L’objectif stratégique d’accroissement du taux d’accès aux diplômes de l’enseignement supérieur, d’effort de recherche et d’innovation, ne sera pas atteint sans amélioration qualitative et quantitative du second degré. La problématique de la scolarisation en collège et de l’échec scolaire ne peut se réduire à une individualisation des causes, des responsabilités et des réponses aux problèmes rencontrés. Il faut une nouvelle ambition collective.
Même si le gouvernement fait preuve de volontarisme, le passage du temps de la communication et de la campagne à celui de l’action n’est pas sans risque pour lui. A titre d’exemple, le projet sur l’autonomie des universités, conduit dans la précipitation, risque rapidement de se révéler moins consensuel qu’on a voulu le faire croire. Cette loi ouvrirait la porte au désengagement de l’Etat, à la remise en cause des missions des organismes nationaux de recherche publique et à l’instauration de formes de sélection tout au long du cursus universitaire ; et loin d’une amélioration de la démocratie, la prétendue « autonomie » renforcée risque de remettre en cause le statut des personnels et de démanteler le service public d’enseignement supérieur et de recherche.
III- Agir contre une politique d’inspiration libérale
Cet ensemble préoccupant prend place dans une politique globale qui entend faire payer aux salariés les choix budgétaires et fiscaux du gouvernement, réduire les dépenses publiques, s’attaquer à l’emploi et aux salaires, remettre en question la protection sociale et les droits des travailleurs.
La volonté gouvernementale de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant en retraite ne peut qu’avoir des effets redoutables dans notre secteur : réduction de l’offre de formation (cf. les audits réalisés par Bercy sur les horaires élèves), alourdissement de la charge de travail, tarissement des recrutements externes, développement de la précarité. Nous sommes là en présence d’un défi majeur pour le second degré, pour nos métiers, pour notre syndicalisme. Le SNES et la FSU doivent engager résolument une bataille d’opinion pour convaincre de l’intérêt, de la nécessité et de la possibilité de développer l’emploi public, particulièrement dans le second degré. Cela doit être un axe majeur de notre action dans les mois à venir.
Dans les transports, la question du service minimum garanti est abordée avec plus de précautions que les déclarations de campagne pouvaient le laisser présager. Mais un passage en force est toujours possible. Le SNES réaffirme son opposition à toute mise en cause du droit de grève et sera partie prenante des actions entreprises pour améliorer la démocratie sociale et les droits syndicaux. Dans notre secteur, le SNES doit résolument s’atteler à la défense et à la modernisation du paritarisme, mis en péril par l’individualisation des carrières et le développement du lien direct entre l’employeur et l’agent (I-prof, SIAM…).
Plus largement, les annonces sur l’absence de coup de pouce au SMIC, sur la franchise pour les dépenses de soin, et sur la TVA sociale, se sont soldées immédiatement par un rejet de la part de l’opinion publique. Les résultats du second tour des élections législatives en sont une traduction concrète qui montrent, au passage, que la situation politique ne se réduit pas à une prétendue droitisation de la société ou à tout le moins que le débat continue dans la société et que l’opinion n’est pas faite sur toute une série de points clés (fiscalité, santé, surface et action de l’Etat…).
Les questions salariales sont ignorées par le gouvernement. L’incitation à augmenter le volume des heures supplémentaires fait fi des difficultés rencontrées par les salariés dans l’exercice quotidien de leur activité, ne répond pas aux difficultés d’accès à l’emploi, au temps partiel imposé. Le SNES réaffirme la nécessité de programmer une augmentation du recrutement de titulaires, de lutter contre la précarité et d’augmenter les salaires de tous les agents. A un moment où le minimum fonction publique passe de nouveau en dessous du SMIC, il est indispensable de maintenir le pouvoir d’achat de la valeur du point d’indice en 2007, d’amorcer un rattrapage des pertes subies par les actifs et retraités, d’augmenter sensiblement le minimum fonction publique et de lancer une négociation sur la refonte de la grille et la requalification des emplois. Concernant les retraités, la revalorisation des basses pensions et retraites et de minimum de pension garanti est urgente.
Le recours aux heures supplémentaires dans la FP serait un véritable effet d’aubaine pour les employeurs publics, qui les rémunère en deçà. A l’opposé de nos revendications salariales, il pourrait être un des moyens utilisés pour la réduction des emplois, faisant courir un risque aggravé de chômage aux non titulaires. Il fait l’impasse sur le fait que pour une partie des personnels le travail supplémentaire ne peut ou n’est pas rémunéré et que pour les autres la décision ne relève pas de l’agent. Les conséquences sur les conditions de travail, la qualité du service, sur les inégalités salariales entre hommes et femmes sont aussi évacuées.
Le gouvernement développe une politique sécuritaire, de criminalisation de la jeunesse et de l’immigration. Les expulsions d’élèves et de parents d’élèves se poursuivent. Le SNES continuera à s’y opposer et à agir au sein du réseau RESF.
Fiscalité, protection sociale, retraite, services publics, pouvoir d’achat sont d’ailleurs les thèmes qui vont marquer le paysage économique et social des mois à venir. La FSU doit se donner de peser dans ces débats et imposer la reconnaissance de sa représentativité. Alors que le gouvernement réaffirme le projet de ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux partant en retraite (soit la suppression de 35 000 emplois de fonctionnaires, dont l’essentiel sera nécessairement ponctionné à l’Education Nationale), nous avons le devoir de mener la bataille d’opinion sur la fiscalité et les prélèvements obligatoires : dénoncer les 12 à 20 milliards de cadeaux fiscaux aux plus favorisés, qui vont venir gonfler le déficit public (42 milliards) et priver l’Etat et les services publics des moyens de leur action, dénoncer l’augmentation injuste des impôts indirects, proposer des sources de financement des dépenses publiques et sociales admises par le plus grand nombre, faire la démonstration de leur utilité et de leur efficacité. Les questions de formations, l’accès aux qualifications, les enjeux liés à l’investissement éducatif sont essentiels et doivent être financés durablement. Le SNES doit approfondir et préciser sa réflexion sur le coût et les besoins du service public d’éducation. Le mandat consistant à porter à 10 % du PIB les dépenses d’éducation doit être détaillé et argumenté si nous voulons être audibles des collègues et de l’opinion publique.
Le SNES devra à la rentrée rencontrer les collègues, les parents, dans le but de débattre des revendications, de clarifier les enjeux et les alternatives, de convaincre que des solutions de progrès concernant l’école, la formation, l’éducation, l’insertion sont à notre portée. Renforcer l’outil syndical, réaffirmer les principes structurants qui rassemblent la profession, aller au débat avec les parents d’élèves, telles pourraient être les priorités à mettre en œuvre.
Dès la prérentrée, dans chaque établissement, le SNES organisera des heures d’information syndicale, des réunions les plus larges possibles en veillant à y intégrer les jeunes collègues qui doivent prendre toute leur place dans le collectif. Le SNES Lancera à la rentrée une campagne de syndicalisation auprès de tous les collègues (titulaires, précaires, enseignants, COPSy, CPE, personnels de vie scolaire, néo-titulaires et retraités). Accroître le nombre de syndiqués est un objectif majeur.
Il n’y aura pas d’alternatives sans implication du mouvement social. Le SNES et la FSU ont donc un rôle particulier à jouer dans le champ social. Porter les revendications des personnels en convergence avec l’intérêt général est l’objectif premier, celui dont dépend notre capacité à faire aboutir nos revendications. Retisser les liens au plus près, c’est-à-dire sur le lieu de travail en relançant la syndicalisation et notre réseau de S1. Travailler à la constitution de fronts unitaires et d’espaces permanents de débats avec nos partenaires.
Débattre, élaborer, convaincre, mobiliser. Rendez-vous à la rentrée !
La CA académique aura lieu le vendredi 7 septembre 2007.