La « cité éducative » est un label doté d’une manne financière considérable avec l’objectif de mettre en cohérence la prise en charge des différents temps de l’enfant dans les zones défavorisées. Elle ambitionne de faire se côtoyer les différents acteurs de l’aide à l’enfance, d’harmoniser leurs politiques et de les faire travailler en synergie : acteurs sociaux, associations d’aide aux devoirs ou d’aide à la parentalité, éducation populaire, acteurs culturels, mairies… Elle est pilotée par l’État et les collectivités territoriales. Le projet est louable, le management se veut moderne et souriant, les moyens coulent à flot, la positive attitude y est de mise. Co-éducation, communication non-violente, évaluation bienveillante, empathie et dynamique entraînante… masquent assez efficacement la course aux subventions que se livrent les acteurs, le brouillage des rôles, des missions et des qualifications, et le fait que les pouvoirs publics peuvent être d’autant plus généreux avec l’aide à la scolarité qu’ils sabrent les budgets de la scolarité elle-même, en particulier du second degré.
Dans ce joyeux méli mélo, il n’y pas longtemps à attendre pour que l’éducation en général, et les professeurs en particulier, soit mise en cause : manque de bienveillance, violence symbolique, importance excessive accordée au travail scolaire et à la discipline … Ce qui importe, ce ne serait pas de contribuer à l’élaboration d‘une culture commue, riche et diversifiée, mais de faire en sorte que chacun découvre son talent caché et en soit fier. Chacun a bien le droit d’être ce qu’il est, d’être comme il est, et de vouloir le rester ! Se trouvera-t-il quelqu’un pour rappeler que la glorification des potentiels individuels ne saurait tenir lieu de politique éducative ? Que la difficulté à entrer dans le travail scolaire est certes une des cause des inégalités scolaires mais que le manque de temps de pratique effective des activités purement scolaires contribue à les démultiplier ? Que les élèves des milieux populaires ont droit eux-aussi à un système éducatif qui cherche à faire bouger les lignes, à bousculer les goûts et les talents, comme autant d’assignations sociales, et à amener les futurs citoyens à faire changer l’ordre des choses ? C’est la raison pour laquelle il n’est pas inutile que les fonctionnaires d’État rappellent qu’il y a une spécificité irréductible de l’école publique, celle de la recherche de l’émancipation par les savoirs et la fréquentation des œuvres humaines, qui suppose que ce soient les personnels de l’Education Nationale, et eux seuls, qui gardent l’entière compétence sur tout ce qui relève du temps scolaire.
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