Tribune de Catherine Mills (Économiste, directrice d’Économie et Politique)
Publié dans l’Humanité du 19 décembre 2019
Le financement est la bataille centrale...
Une majorité de citoyens est opposée au projet Macron. Le gouvernement n’offre aujourd’hui que des ajustements et concessions catégorielles, qui divisent, en s’obstinant à détruire notre système de retraite et instaurer son système par points qui réduirait massivement les pensions et ouvrirait la voie à toutes les mises en cause ultérieures. Ce projet doit être retiré, les luttes sociales peuvent imposer des alternatives de progrès social
Une unification vers le haut est à l’ordre du jour en élargissant les avancées sociales des régimes particuliers de retraite à l’ensemble des métiers et salariés, notamment au niveau d’une branche et plus généralement concernant la pénibilité du travail…
La réforme des retraites Macron par points porte un projet de société rétrograde. Elle vise à limiter les dépenses de retraite à 14 % du PIB pour prétendre réaliser l’équilibre alors que les cotisations seront bloquées. Ce sera l’incertitude généralisée pour nos retraites, car tout deviendra flexible : valeur du point, âge de la retraite, durée de cotisation, niveau des pensions. Massivement les retraités seront appauvris, car la pension serait basée sur la moyenne de tous les salaires perçus, au lieu des meilleurs salaires. Cela pénalisera encore plus les travailleuses et travailleurs précaires. L’âge dit d’équilibre de départ effectif en retraite, avec une première étape à 64 ans, sera encore repoussé. Cette réforme repose sur une individualisation non solidaire, elle oppose les générations les unes aux autres. Elle conduit à la montée de la capitalisation.
Cependant, après des années de réformes libérales, notre système de retraite par répartition a besoin d’une réforme de progrès social et de civilisation (1). La révolution de la longévité exige un temps de retraite en bonne santé, avec une bonne retraite pour subvenir à ses besoins. Loin d’aménager le système gouvernemental par points, il faut faire monter des alternatives progressistes.
Le financement est la bataille centrale. On pourrait s’appuyer sur un autre type de développement des richesses, écologique et social. Pour sécuriser le financement des retraites, il faudrait inciter les entreprises à une nouvelle gestion d’efficacité sociale, économique et écologique. Ce sont les prélèvements financiers du capital et l’obsession de la rentabilité financière avec la course aux placements financiers spéculatifs, qui s’opposent aux cotisations sociales pour sauvegarder les profits. Au nom de la réduction dudit « coût du travail », ce sont les délocalisations, la destruction des services publics et de l’emploi, la montée de la précarité.
A contrario, il faut mettre à contribution les revenus financiers des entreprises et des banques (dividendes, intérêts) qui s’élèvent à 300 milliards d’euros en 2018. En les soumettant au même taux de cotisation que les cotisations patronales vieillesse sur les salaires, cela rapporterait 13 milliards d’euros. Mais l’objectif est surtout de désintoxiquer l’économie de la finance. Par ailleurs, il faut accroître les taux et la masse des cotisations sociales en incitant les entreprises à un autre type de gestion. Une modulation des taux des cotisations patronales viserait à pénaliser les entreprises qui réduisent l’emploi, les salaires, précarisent et n’appliquent pas la parité salariale femmes-hommes. Au contraire, celles qui développent les capacités des femmes et des hommes seraient favorisées relativement. Cela nécessite bien sûr de mettre un terme aux exonérations de cotisations sociales (plus de 60 milliards d’euros), qui encouragent les bas salaires, bénéficient surtout aux plus grandes entreprises et déstabilisent le financement du système.
D’un autre côté, il y a lieu de développer les services publics notamment pour le troisième âge et le quatrième âge pour l’autonomie des personnes âgées. Il faut instaurer des dispositifs qui sécurisent l’emploi des seniors d’âge actif, alors que la moitié d’entre eux est hors emploi, alléger leur peine et organiser des départs progressifs d’emploi au bénéfice des plus jeunes. Plus généralement, il faut une sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels, notamment pour l’accès des femmes et des jeunes à l’emploi de qualité, à la formation en prenant en compte les périodes de formation.
Une unification vers le haut est à l’ordre du jour en élargissant les avancées sociales des régimes particuliers de retraite à l’ensemble des métiers et salariés, notamment au niveau d’une branche et plus généralement concernant la pénibilité du travail. Les principes du système de retraite doivent être ceux de la répartition, avec des prestations définies et garanties : un départ à 60 ans, à taux plein, avec 75 % des meilleures années de salaire, la prise en compte des années d’études, un départ à 55 ans à taux plein pour les métiers pénibles et pour ceux qui commencent à travailler tôt, pas de retraite inférieure au Smic. Il faut améliorer la retraite des femmes, des précaires. Ces axes d’une réforme de progrès impliquent un nouveau financement appuyé sur une nouvelle politique économique contre l’austérité ainsi qu’une autre gestion des entreprises.