... Il n’y a pas contradiction entre massification et qualité
du système éducatif. Pour cela l’école doit tout mettre
en œuvre pour lutter contre la reproduction des inégalités
sociales et culturelles. Elle doit retarder le plus longtemps
possible la sélection pour permettre à l’élève de
repousser ses limites, pour ne pas risquer de l’enfermer
précocement dans ce qu’il est à un moment de son développement
et empêcher que les choix et les parcours scolaires
constituent un destin irréversible. Elle doit offrir à
chacun les conditions adéquates de l’accès aux savoirs et
aux qualifications.
...Il n’y a pas contradiction entre l’autonomie
des équipes, leur inventivité au travail mise au service
de chaque jeune et un cadre national assurant cohérence
et sans cesse tendu vers la nécessité de bâtir la
société de demain. La prolifération des injonctions technocratiques
(du livret de compétences au socle commun)
et hiérarchiques épuise les équipes et aggrave l’échec
scolaire. C’est au contraire par le développement de la
démocratie dans la gestion et le fonctionnement des établissements
que l’on donnera un nouveau souffle au système
éducatif.
... Il n’y a pas contradiction entre une économie
ouverte sur l’avenir et un système scolaire de
qualité conduisant le plus grand nombre vers le plus
haut niveau de culture et de qualification. Il est impossible
de dire quels seront, quand les enfants qui entrent
aujourd’hui à l’école seront adultes, les secteurs professionnels
porteurs de richesse et d’innovation. Mais on
peut observer que le travail exige de plus en plus de qualification,
que les diplômes sont plus que jamais la meilleure
protection contre le chômage pour l’individu, et le
fondement le plus solide du droit du travail pour les salariés.
Le service public d’éducation doit conduire chacun au
plus haut niveau possible de qualification et offrir des formations
suffisamment larges et diversifiées, réparties sur
le territoire pour répondre aux attentes des familles.
... Il n’y a pas contradiction entre 50 % d’une
classe d’âge à la Licence et 100 % préparant le baccalauréat,
entre la volonté d’augmenter le nombre de
diplômés du supérieur et la nécessité de permettre à
chacun d’aller le plus loin possible. A l’instrumentalisation
de l’éducation à des fins strictement économiques,
nous opposons une ambition bien plus forte : faire entrer
chacun dans la culture, la connaissance, la compréhension
éclairée du monde et de la société contemporaine.
Pour cela, il faut s’attaquer à l’échec scolaire dès l’école
primaire, rendre au collège son rôle de tremplin vers les
trois voies du lycée, diversifier les enseignements au
lycée pour rendre les savoirs accessibles à tous, lutter
contre l’échec massif en première année d’université, renforcer
le maillage territorial des formations supérieures
dispensées dans les lycées et développer leurs liens avec
l’Université.
...Il n’y a pas contradiction entre l’allongement
de la durée d’études des enseignants et une véritable
formation professionnelle après le recrutement.
L’évolution des savoirs, comme la complexification du
métier, exige aujourd’hui que les enseignants soient recrutés
au niveau du Master et que leur diplôme soit reconnu
et justement rémunéré. Mais la formation professionnelle
en alternance, profondément renouvelée, est plus nécessaire
que jamais. Une institution qui ne forme plus ses
maîtres renonce à toute ambition pour les élèves. Au
contraire, reconstruire la formation des maîtres initiale
mais aussi continue à partir des attentes des professionnels
et des besoins effectifs de la démocratisation scolaire
est le défi à relever pour que les enseignants restent
capables d’inventer et de penser leur travail.
...Il n’y a pas contradiction entre l’exigence de
justice et d’égalité et l’accès à la connaissance. Une
société juste est une société qui ne confie pas le savoir, et
le pouvoir qu’il donne, à quelques-uns mais qui fait du
savoir un bien commun auquel tous doivent avoir accès.
L’exercice d’une citoyenneté lucide et libre exige, plus que
jamais, un solide niveau de formation et de compréhension
des enjeux. A l’économie de la connaissance tournée
vers la performance et la compétition, nous opposons
notre projet d’une société démocratique de la connaissance,
qui se construira grâce à un service public d’éducation
exigeant, ambitieux et démocratisé.
Nous, enseignants, conseillers d’orientation-psychologues, conseillers principaux d’éducation,
personnels de vie scolaire, voulons prendre toute notre part aux luttes et aux propositions
pour lever ces fausses contradictions qui stérilisent aujourd’hui le débat et
conduisent l’école dans une impasse.
Nous appelons les usagers, les salariés, les associations, les syndicats, les organisations
politiques et les élus à se joindre à nous pour relever ensemble le défi que constitue la
construction d’une école juste et ambitieuse.