Quelle direction prendra le mouvement après le 19 octobre ?
La conduite du mouvement sur la réforme des retraites a été jusqu’à présent exemplaire.
Exemplaire par l’unité syndicale et la convergence de tous les secteurs. Exemplaire par le travail de conviction auprès des salariés et en direction de l’opinion publique. Exemplaire dans la construction patiente et obstinée du rapport de force en prenant le temps tout au long de septembre de mobiliser étape par étape. Exemplaire dans la gestion du rythme des mobilisations avec une accélération remarquée des actions au moment du débat au Sénat. Exemplaire enfin et surtout par l’élaboration collective et démocratique des formes d’action dans les Assemblées Générales sur le lieu de travail qui ont permis d’ancrer l’action au quotidien et dans tous les territoires, sans jamais cliver et diviser les salariés mobilisés.
Nous écrivons ces lignes quelques heures avant les manifestations du samedi 16 octobre, qui s’annoncent comme un nouveau moment de convergence populaire, de convergence des luttes. Nous écrivons ces lignes quatre jours avant un nouveau jour de convergence des salariés dans les grèves et les manifestations du mardi 19 octobre, à la veille du vote au Sénat du projet de loi. Chacun perçoit clairement le caractère exceptionnel de ces deux rendez-vous : nous devons réussir ces jours-là des mobilisations historiques !
Et ensuite ?
Nous savons bien que le pouvoir joue le pourrissement, et qu’il espère que tous, salariés, fonctionnaires, lycéens, nous retournerons à nos chères études au lendemain du vote du projet de loi au Sénat, à la veille des vacances d’automne. Ce calcul, même si nous pouvons nous douter d’ores-et-déjà qu’il sera décliné à l’envi par les médias tout au long de la semaine, montre une incompréhension majeure de la nature du mouvement en cours.
Par leur ampleur et leur durée, par le soutien qu’elle recueillent dans l’opinion, par leurs fondements politiques et sociologiques, les mouvements en cours ne s’arrêteront pas du jour au lendemain. Au SNES, à la FSU, nous sommes déterminés à poursuivre au-delà du vote au Sénat, quel qu’il soit.
Il peut paraître paradoxale de voir les lycéens se mobiliser sur les retraites ? C’est ne pas voir que la jeunesse, qui descend régulièrement dans la rue depuis plusieurs années, exprime une profonde angoisse quant à l’avenir qui se dessine. De même, les salariés mobilisés le sont sur la question des retraites, mais ce dossier est devenu l’emblème d’un malaise profond dans notre société : celui d’un partage des richesses inique. Viennent se greffer ainsi des revendications professionnelles (privatisation des activités portuaires, pénibilité du travail, salaires …) qui toutes posent le problème du choix de société.
Ainsi, au SNES, nous posons dans le même temps la question des retraites et celle de nos carrières (ne vient-on pas à nouveau d’entendre un expert prôner le gel des salaires des fonctionnaires sur plusieurs années ?), celles du financement du système éducatif.
Au moment où nos jeunes collègues lauréats des concours découvrent les effets délétères de la suppression de la formation pour des motifs économiques (3500 emplois économisés par l’État), où nos collègues de STI et de Physiques découvrent les conséquences désastreuses pour leur métier de la réforme des lycées, où enseignants, parents et lycéens peuvent juger sur pièce la forfaiture que représente la réforme de la seconde, où les collèges vivent dans un équilibre précaire du fait de la pénurie criante de personnels et l’absence de dynamique collective pour une refondation du collège public … A l’heure où le gouvernement s’apprête à présenter au parlement un projet de budget qui poursuit et amplifie les logiques de suppressions de poste et de rigueur budgétaire pour les fonctionnaires, pour l’État, pour les Services Publics … Nous proposons d’élargir l’empan du débat public et de la contestation sociale en mettant sur la table tout ce qui ne va pas dans l’Education !
Répondre aux inquiétudes de la jeunesse, c’est promouvoir dès aujourd’hui des politiques publiques qui préparent l’avenir de notre société en proposant aux nouvelles générations une formation de qualité, des qualifications reconnue, une entrée sur le marché du travail favorisée, une sécurité des parcours professionnels effective, des garanties de protection sociale réactualisées et l’engagement de retraites décentes financées par un système de répartition ou un code des pensions ambitieux.
Dans la cinquième puissance économique du monde, tout cela est possible. Ce n’est qu’un choix politique à faire. Mais ce choix politique ne sera effectif que si les salariés l’impose par leur implication continue dans le débat public et le mouvement social.
Laurent TRAMONI
Secrétaire Académique