L’exécutif a entrepris une « réforme » de la SNCF avec l’objectif affiché de supprimer le statut des cheminots, d’ouvrir le ferroviaire à la concurrence, et de privatiser l’entreprise. Soit un radical programme, qui n’a jamais été annoncé lors de la campagne électorale, et donc qui n’a jamais été approuvé même par les 24% de citoyens ayant voté Macron au premier tour. Il s’en est immédiatement ensuivi une campagne orchestrée au plus haut niveau dénonçant les « privilèges » des cheminots. La stratégie Macron de la « réforme » vise à casser tous les services publics, en les ouvrant à la concurrence, après les avoir étranglés sur le plan financier. Les moyens utilisés sont exécrables : non seulement les manœuvres diverses pour diviser les salariés entre eux, pour jeter en pâture à l’opinion publique des catégories soi-disant « privilégiées » (cheminots et fonctionnaires, les retraités...), mais aussi attaques en règle contre le syndicalisme ( dénonciation de la « gréviculture », parodie absolue de dialogue social). Aucune démocratie digne de ce nom ne peut ainsi bafouer la démocratie sociale. Voici quelques articles sur ce qui se joue à la SNCF. C’est l’intérêt général qui est en jeu, l’avenir de ce service public et de tous les autres, l’avenir même de notre démocratie.
Voir en ligne : Grève SNCF : 10 arguments pour combattre la propagande gouvernementale
Pour la FSU, la contre réforme que compte mener le gouvernement pour l’avenir de la SNCF ne répond à aucun impératif réglementaire ou financier ni à aucune nécessité de service public. Alors que notre pays a besoin de voir se développer et se moderniser son service public ferroviaire, le gouvernement organise son démantèlement.
Contrairement à ce que propage le gouvernement, les cheminots ne sont pas responsables de la dette de 55 milliards d’euros qui est essentiellement due aux orientations des 30 dernières années au profit du développement exclusif du TGV.
Ce projet de contre réforme ne répond pas non plus aux impératifs d’aménagement du territoire en remettant en cause l’avenir des « petites lignes ». Déjà, depuis plusieurs années, la SNCF a ralenti, parfois stoppé, les investissements nécessaires à l’entretien et aux travaux sur ces lignes.
Le gouvernement présente cette réforme sous couvert de nécessité de modernisation. Les mêmes promesses d’investissements et de développement avaient été faites pour le Fret SNCF ouvert à la concurrence il y a plus de 10 ans. Or, aujourd’hui le constat est que le transport Fret a été fortement réduit, reléguant aux oubliettes l’amélioration du trafic routier et la réduction de l’empreinte écologique.
Au même titre que les fonctionnaires possèdent un statut qui permet l’égalité de traitement et d’accès au service public par tou.te.s les citoyen.ne.s, le statut des cheminots et celui de la SNCF (entreprise publique) permettent de ne pas soumettre la sécurité des voyageurs aux seules injonctions du profit économique.
Pour toutes ces raisons la FSU tient à témoigner de sa solidarité pour les agent.e.s de la SNCF en lutte. Elle considère que l’avenir des transports ferroviaires devrait faire l’objet d’un grand débat public.
Les Lilas le 3 avril 2018
{{La grève des cheminots porte l'intérêt général}} Dans une tribune au «<small class="fine d-inline"> </small>Monde<small class="fine d-inline"> </small>», Bernard Thibault ancien secrétaire général de la CGT, estime que la réforme voulue par le gouvernement risque d'être néfaste à l'ensemble des Français.
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Quoi qu’en pensent nombre de technocrates, la mobilisation des cheminots porte l’intérêt général. Comme d’autres générations avant eux, ils s’indignent à juste titre de l’humiliation dont ils sont victimes pour tenter de mieux masquer des perspectives lourdes de conséquence pour le pays et sa population. Ils veulent défendre la conception du service public qui fait l’identité de la SNCF et résister à l’essorage des droits sociaux.
En quelques jours, le président de la République s’appuie sur un rapport rédigé sur commande pour lancer une révolution dans l’organisation du transport ferroviaire et du statut de son personnel. Processus qui sera assuré par des ordonnances privant le citoyen du temps et des arguments pour se forger sa propre opinion.
Peu importe qu’Emmanuel Macron n’ait pas dit un mot à ce propos lors de sa campagne électorale. L’urgence est là ! La SNCF « coûte de plus en plus cher » pour un service « qui se dégrade », a précisé le premier ministre Edouard Philippe.
Principaux remèdes préconisés par le chirurgien en chef : changement de statut de l’entreprise, ouverture du transport de voyageurs à la concurrence, fin des recrutements du personnel au statut. Voilà des annonces qui se présentent comme un remède de cheval mais qui plutôt que de soigner le malade risque fort de le condamner rapidement. Délibérément le diagnostic est tronqué, il ne faut donc pas s’étonner que la prescription soit dangereuse.
Cela étant la SNCF appartient à la nation, et il est légitime que les citoyens aient connaissance des enjeux et des options possibles.
La SNCF est curieusement la seule entreprise où l’on demande aux responsables à l’origine des échecs de définir les mesures pour en sortir. La ministre des transports Elisabeth Borne, pendant des années à la direction de la stratégie de la SNCF, au côté de son PDG, a assurément toute l’expertise pour expliquer pourquoi elle s’est trompée !
Le gouvernement, comme d’autres avant lui, fait l’impasse sur l’origine principale des défaillances et la dégradation du service public : un endettement massif et historique du transport ferroviaire généré par des choix d’investissement contestables et de plus supportés par la seule entreprise publique et ses usagers.
Déjà en 1995, le travail d’un cheminot sur quatre servait à payer les intérêts de la dette contractée d’abord pour la construction des lignes TGV que l’Etat commandait mais qu’il refusait de payer directement.
Soyons clairs, il n’existe pas un seul réseau ferré national dans le monde qui n’ait pas besoin d’investissements publics importants pour financer les infrastructures nécessaires à la circulation des trains. Les Etats qui font le choix d’investir dans le ferroviaire intègrent les besoins d’aménagement du territoire, d’efficacité des transports selon les critères de sécurité et de préservation de l’environnement, mais aussi de solidarité entre régions d’un même pays. La pertinence et la consistance du réseau doivent aussi s’apprécier sur sa capacité à transporter des voyageurs et des marchandises.
Les Français sont-ils satisfaits que 9 tonnes de marchandise sur 10 circulent sur les routes ? Sont-ils informés que, si rien ne change, compte tenu des prévisions de trafic marchandises à venir, il faudrait se préparer à voir un doublement du nombre de camions sur les routes à l’horizon 2050 ? L’objectif assigné par la loi suite au Grenelle de l’environnement de passer de 14 % à 25 % de marchandises par fer et voies fluviales est inatteignable si rien ne change.
La France, fière d’avoir convoqué la COP 21 où les Etats ont pris des engagements pour s’attaquer aux changements climatiques, renoncerait-elle à une politique des transports vertueuse pour l’environnement ? Le transfert d’une partie importante du fret sur le rail aurait par ailleurs un impact spectaculaire sur la sécurité routière.
Mais les Français savent-ils que la SNCF est le premier transporteur routier du pays ? Le contribuable connaît-il vraiment cette multinationale qui possède près de 1 300 filiales dans le monde ? Est-ce sa mission première de faire rouler des bus en Australie ou à Boston (Massachusetts) où elle a perdu 30 millions d’euros en 2015 ?
La réponse magique se résumerait à l’ouverture du réseau à la concurrence par l’entrée d’opérateurs privés qui, comme chacun sait, sont par définition plus soucieux de l’intérêt général qu’une entreprise publique… !
Ce choix a déjà été fait pour les marchandises il y a plusieurs années ; le bilan est navrant, et chaque usager de la route peut en témoigner. Le gouvernement veut généraliser l’échec aux voyageurs au nom des consignes européennes qui laissent pourtant une marge aux Etats membres.
Les élus locaux et régionaux doivent savoir qu’ils n’auront pas d’abord à choisir un nouveau prestataire pour leurs trains mais quelles sont les lignes dont ils devront annoncer la fermeture auprès de leurs administrés dans la mesure où l’Etat ne répond pas aux défis de la vétusté du réseau et de sa dette.
Ce n’est pas depuis Paris qu’on décide de « la fermeture de 9 000 km de lignes », dit le premier ministre, mais c’est à Lille, à Marseille, à Lyon, à Bordeaux… qu’il faudra annoncer les mauvaises nouvelles.
L’efficacité d’un réseau de service public s’apprécie dans sa dimension nationale et complémentaire entre des lignes à la fréquentation et à la rentabilité variables.
« Accessoirement » l’ouverture à la concurrence devrait avoir comme conséquence de baisser les conditions sociales des personnels travaillant dans le ferroviaire. Les privilégiés voyez-vous, ce ne sont pas ceux qui bénéficient d’avantages fiscaux au titre des « grandes fortunes » mais ceux que l’on ne peut pas licencier d’un claquement de doigt, qui recourent à la grève quand ils sont mécontents ou quand la sécurité est menacée, qui travaillent le dimanche ou la nuit parce que la population a besoin de leurs services et non pour assouvir des actionnaires toujours plus gourmands.
Ils sont bien placés pour savoir qu’on leur rend la tâche impossible. Il faut vendre moins de billets aux guichets pour rentabiliser les automates, moins contrôler à bord parce qu’on veut bientôt supprimer les cheminots dans les trains…
Tout comme l’infirmière est malade de soigner son patient dans le couloir de l’hôpital, le cheminot à mal au ventre de voir le train au ralenti, ou tout simplement annulé parce qu’il manque de personnel ou qu’il vaut mieux ne pas le faire partir. Sinon la SNCF risque de devoir rembourser les billets en cas de retard trop important !
Accuser les cheminots d’être responsables du désastre des politiques publiques est un comble. Cette humiliation a la réponse qu’elle mérite. Il est à leur honneur de poursuivre l’action de leurs prédécesseurs pour une certaine idée du service public et des droits sociaux pour les générations futures.
Il est des grèves qui portent l’intérêt général, d’où jaillit la lumière, et ce n’est pas en cet anniversaire de celles de 1968 qu’on pourra nous dire le contraire.
Vous trouverez ci-joint ces paroles du sociologue, : adressées aux cheminots grévistes pour leur exprimer son soutien le 12 décembre 1995, à la Gare de Lyon, à Paris, superbe promotion de ce qui se joue dans l’avenir des services publics.