Conseil Syndical Académique
SNES-FSU Aix-Marseille
Lundi 13 mars 2017

Un contexte délétère

A quelques semaines du premier tour des élections présidentielles, la situation politique est toujours très incertaine. Le discrédit des politiques se fonde non seulement sur les affaires mettant en cause la probité et la morale politique, ainsi que sur l’impunité mais aussi sur la distance entre les élus et les citoyens et le refus, sans cesse présent depuis le référendum sur le TCE en 2005, de prendre en compte la volonté populaire.

La crise économique a accru les difficultés sociales d’un grand nombre de nos concitoyens, confrontés au chômage de longue durée et à la dégradation du pouvoir d’achat. Les jeunes en particulier se heurtent à la difficile insertion sur le marché du travail et peinent à accéder à des formes d’emploi pérennes. La paupérisation des retraités réapparaît. Si les statistiques indiquent que l’augmentation des inégalités sociales semble contenue en France, contrairement à d’autres pays développés, on assiste à une concentration des richesses entre les mains d’un nombre toujours plus réduit de personnes qui possèdent le patrimoine, les actions, les médias.

Les contestables interventions militaires en Afghanistan, en Irak, en Syrie, en Libye, les conflits ethniques attisés par les puissances néo-colonialistes, la captation de la manne pétrolière au profit d’un petit nombre, les révolutions populaires réprimées, le sous-développement chronique, les effets du réchauffement climatique, poussent vers l’exode un nombre important de réfugiés issus du proche et moyen Orient ou d’Afrique. D’autres s’en remettent aux sirènes mortifères du fanatisme et du terrorisme.

L’Europe, enferrée dans les travers d’une construction profondément marquée par les logiques libérales, ne parvient pas à sortir de la crise des dettes publiques. En 2008, avec le renflouement du système bancaire après la crise des subprimes, les Etats ont soutenu le système bancaire sans que des mécanismes solidaires de mutualisation de la dette entre les Etats et des politiques concertées de résorption de la dette n’aient pu être mise en place au niveau européen. Les intérêts particuliers, par exemple ceux des créanciers, Etats, acteurs financiers, les intérêts nationaux et les logiques politiques libérales ont prévalu, accroissant les distorsions entre l’Allemagne et l’Europe du Sud, laissant des pays entiers exsangues, comme la Grèce dont le PIB a baissé de 25 %, favorisant le repli nationaliste, comme en Angleterre, et le réflexe xénophobe comme en France ou aux Pays-Bas.

En France, la politique de la majorité sortante a déçu et n’a pas corrigé les effets des quinquennats Chirac et Sarkozy car, si le Président sortant affirme avoir préservé le modèle social français, la protection sociale et les services publics, la politique de l’offre a conduit à réduire davantage le pouvoir d’achat des salariés, à libéraliser le marché du travail avec l’ANI et la loi El Khomri au détriment des protections du salariat. Les réductions de la fiscalité et des cotisations patronales au profit des entreprises n’ont pas permis de créer des emplois tout en grevant le budget de l’État. A l’inverse les particuliers ont été mis à contribution.

Les élections, telles qu’elles semblent se préparer

Dans ce contexte de crise sociale et démocratique aiguë, les élections à venir risquent de conduire au pouvoir des forces anti-sociales et réactionnaires, remettant en cause la séparation des pouvoirs.

S’il reste possible qu’un candidat portant un programme de progrès social soit élu, le risque que l’on assiste à l’élection d’un candidat dont le programme libéral consiste à liquider le modèle social français au profit d’une mise en conformité avec la mondialisation libérale : libéralisation accrue du marché du travail, liquidation du système de retraites par répartition à prestations définies, privatisation ou libéralisation des services publics, dont l’éducation et le supérieur… La promesse de rétablir les classes bilangues et les langues anciennes laisse en l’état l’essentiel de la réforme du Collège (grilles horaires, évaluation, évacuation des savoirs), réforme que d’autres assument pleinement, et masque mal la volonté de transformer nos établissements en PME, l’autonomie étant une remise cause de l’existence d’un service public national.

L’hypothèse que la droite extrême et décomplexée reprenne le pouvoir reste aussi possible, malgré les errements de François Fillon. Réactionnaire, anti-laïque, cupide et anti-redistributive, anti-sociale et xénophobe, sexiste et homophobe, la droite considère qu’elle a aujourd’hui l’opportunité historique de prendre sa revanche sur les politiques de progrès social, de redistribution et de partage des richesses, de réduction des inégalités, menées depuis le Conseil National de la Résistance.

Il ne faut pas exclure non plus que l’extrême-droite accède au pouvoir et rompe avec la République sociale, libérale et fraternelle. Malgré l’entreprise particulièrement efficace de dédiabolisation, le projet de l’extrême-droite reste un projet totalitaire qui consiste, entre autres, à réduire les droits humains et les droits sociaux aux seuls français, comme en témoigne la volonté d’exclure de l’école les enfants d’immigrés récents ou la préférence nationale. La conception du patriotisme et de l’Etat que porte ce parti serait en outre inacceptable pour les fonctionnaires, comme le laissent présager les menaces proférées par Le Pen à l’encontre des fonctionnaires de police et des magistrats en marge de l’enquête pour détournement de fonds publics qui vise le FN. Ces idées gangrènent en outre au-delà du FN, comme en témoigne la « clause Molière » faisant de la pratique du français une condition d’emploi sur les chantiers publics d’un certain nombre de régions.

Le SNES-FSU Aix-Marseille renouvelle la demande formulée lors du CSA de mettre en place avec la FSU une cellule de veille intersyndicale qui puisse répondre dans le débat public à chaque attaque idéologique contre le système éducatif, contre la fonction publique et le code des pensions, contre les services publics, contre la protection sociale, contre le salariat.

Mais que les forces sociales s’en mêlent !

Ces constats doivent plus que jamais nous pousser à agir, à réagir. Rien ne serait pire que le renoncement à peser sur le cours des choses, que ce soit par défaitisme, inaction et abstention, ou, ce qui revient au même, par la fuite en avant dans un idéal fantasmé de salut par l’entre soi militant.

Il n’appartient pas au monde syndical de dicter leurs choix de candidatures aux partis politiques, et nous devons bien prendre acte de ce qu’est l’offre politique à la veille du premier tour des élections présidentielles. Pour autant, notre responsabilité est de contribuer à construire les revendications, les luttes et les perspectives sociales dont les salariés, les chômeurs, les retraités et les jeunes ont besoin. Construire des alternatives économiques et sociales crédibles à moyen terme ne doit cependant jamais nous détourner de l’impérieuse nécessité de défendre les acquis sociaux menacés à court terme. Aussi, le syndicalisme ne peut pas faire fi des conséquences d’un éventuel accès aux responsabilités de majorités politiques qui mettraient en œuvre des politiques antisociales dont nos professions et nos élèves seraient les premières victimes.

Dans l’immédiat, le SNES-FSU et sa fédération, la FSU, doivent prendre toutes les initiatives possibles pour inciter les salariés à s’intéresser au débat public, à s’en emparer, à s’exprimer par le biais du débat et du vote en faveur de politiques publiques futures conformes à leurs intérêts, à leurs valeurs, à leurs convictions. Le SNES-FSU et sa fédération doivent prendre toutes les initiatives pour faire barrage à la domination idéologique de l’extrême-droite.

La division syndicale est mortifère pour le mouvement social. Le mouvement contre l’ANI ou la loi El Khomri ont montré que le bloc CGT/FO/Solidaires/FSU n’est pas assez puissant pour contrer les reculs sociaux. Ce constat pourrait s’aggraver en cas d’arrivée au pouvoir de forces réactionnaires et autoritaires. Il est donc fondamental que la FSU lance un appel public à l’unité de telle sorte que la lutte contre l’extrême-droite et son pendant, la lutte pour des politiques de progrès social, soient portées par l’arc syndical le plus large possible. Les luttes sociales menées au cours du quinquennat ont été régulièrement soutenues par une majorité de Français, ce qui doit nous convaincre de la possibilité d’un élargissement des mobilisations.

La démarche syndicale unitaire est la condition nécessaire d’une prise de conscience collective ; la remobilisation des salariés suppose l’élaboration d’une plate-forme unitaire concertée entre les forces syndicales en présence. Le mouvement pour les lycées de l’éducation prioritaire dans notre académie a par exemple montré la force qu’apporte un arc syndical large.

Au-delà du premier tour des élections présidentielles, les organisations syndicales doivent se préparer à toutes les éventualités et avoir préparé les conditions d’un sursaut du mouvement social dans l’entre deux tours, durant la campagne des élections législatives, et dans la perspective des probables luttes sociales qu’il nous faudra mener au cours du deuxième semestre 2017.

Le troisième tour social ne se décrète pas, il se construit sur des dynamiques unitaires résolument construites par les organisations syndicales en s’appuyant sur des revendications, des modalités d’action et des alliances qui, parce qu’elles marquent une rupture avec les divisions antérieures, entraînent largement au-delà des réseaux militants. Le SNES-FSU Aix-Marseille renouvelle la demande adoptée lors de son CSA de janvier un comité de liaison unitaire de toutes les forces syndicales qui seraient amenées à prendre part aux nécessaires luttes qui se profilent. La stratégie du SNES-FSU doit en effet contribuer à rassembler dans l’action les salariés, les fonctionnaires, sans exclusive.

Le SNES-FSU Aix-Marseille propose donc que la FSU prenne sans attendre l’initiative d’une rencontre entre les organisations syndicales, sans exclusive, avec l’objectif de construire dans les meilleurs délais un forum social national qui associe organisations syndicales, mouvement associatif, personnalités issues de la recherche et de la culture, représentants de la société civile, forum qui se fixe pour objectif de rédiger une plate-forme pour une alternative économique et sociale de sortie de crise. Cette plate-forme permettrait d’alimenter le débat public lors de la campagne électorale des législatives et constituerait une plate-forme pour les luttes sociales à venir, qui ne seront victorieuses qu’à la double condition d’être unitaires et orientées vers de nouvelles conquêtes sociales : retraites et protection sociale, avenir de la fonction publique, place des services publics, éducation et accès à la santé, droit du travail et dialogue social, démocratisation des institutions, réforme fiscale, évolution du travail, transition écologique, Europe, droits des femmes, accueil des réfugiés..

Le SNES-FSU Aix-Marseille appelle donc, tout en préservant l’indépendance syndicale par rapport aux candidats, à se saisir de toutes les occasions pour intervenir dans le débat public, en agissant localement et nationalement, par exemple en distribuant une plaquette présentant nos demandes pour ouvrir le débat avec les collègues et les citoyens. Il appelle à renforcer l’outil syndical : en lançant une grande campagne de syndicalisation et de provisionnement de moyens en vue des luttes futures, en montrant que l’action syndicale porte ses fruits (PPCR, évaluation des professeurs, postes, hors-classe des COPSy, carrière des CTEN, LSU ...), en s’attelant à améliorer le quotidien de nos collègues et de nos élèves dans chaque établissement ou CIO et en faisant vivre chaque jour sur le lieu de travail, grâce aux S1, une conception progressiste, humaniste et égalitaire des rapports sociaux et de l’éducation.

Le SNES-FSU Aix-Marseille appelle à participer à la manifestation du mardi 21 mars à 18h sur le Vieux Port avec le « Collectif solidarité migrants PACA » à l’occasion de la journée internationale contre le racisme.

POUR : 19 CONTRE : 4 ABSTENTION : 1 REFUS de VOTE : 0